"De mille pourprines larmes" : lecture des Thormes de Jean de La Ceppde

Jean de La Ceppde, prsident du parlement d'Aix-en- Provence et familier d'Henri d'Angoulme, est l'auteur d'une oeuvre marque par la Contre-Rforme et la pense no-stocienne. Brillant pote dvot, il est aujourd'hui autant respect par les seizimistes que mconnu des manuels de littrature contemporains. Pourtant, au coeur mme des guerres de religion, ce magistrat de haut rang avait attest de sa foi et de son rudition dans une posie puissante, qui tmoignait aussi de son engagement gallican, actualis dans une carrire de parlementaire toujours fidle ses rois. Somme blouissante de 520 sonnets consacrs la Passion, les Thormes Spirituels se rclament formellement de la posie ronsardienne, alors qu'ils en rpudient le caractre profane. Hybrides gntiquement, ils sont autant Amours hrtiennes, canzoniere dvot, qu'pope, manuel de mditation et d'oraison. Dans une autofiction potique, le pote se prsente comme le tmoin boulevers de la Passion du Christ et, travers la knose de la Croix, donne voir et entendre par son tmoignage personnel, les supplices injustes infligs un dieu incarn. Pare selon une esthtique baroque, l'oeuvre intrique subtilement des sonnets et un commentaire trs riche de la main mme de l'auteur. Cette lecture des Thormes Spirituels, qui se veut holistique, rhabilite les annotations en prose, rudites et lgantes, et interroge le rle hermneutique pris par les images dans la dmarche mditative. La Ceppde n'hsite pas s'appuyer sur l'exgse de graves autorits ecclsiastiques, mais fait aussi appel aux lumires d'hommes de science de la Renaissance finissante, pour tayer sa mditation, ouvrant ainsi une perspective originale sur la France moderne, dans toute sa complexit. Enfin, cette oeuvre testamentaire, dont la composition couvre plus de neuf annes, demeure le tmoignage potique d'une foi vibrante. Cette oeuvre singulire - mme dans son temps - approche la vrit d'un homme qui, dvoilant la langue du dialogue intime entre l'orant et son Rdempteur, se livre sans affterie dans des vers devenus carmes inspirs.